Environmental Photography Awards 2025 : les images qui défendent la planète
La Fondation Prince Albert II de Monaco a dévoilé les lauréats de la cinquième édition de son prestigieux concours annuel, les Environmental Photography Awards. Cette compétition, qui a attiré près de 11 000 candidatures du monde entier, met en lumière le pouvoir de la photographie pour sensibiliser aux enjeux environnementaux majeurs.
Grand Prix : Angel Fitor
Le photographe espagnol Angel Fitor a remporté le Grand Prix 2025 avec son image saisissante intitulée Unseen Unsung Heroes, qui a également remporté la catégorie « Ocean Worlds ». Cette photographie met en scène des vers polychètes expulsant du sable de leurs terriers, illustrant leur rôle crucial dans l’oxygénation des sédiments marins et la préservation des écosystèmes sous-marins .
Ces vers fouisseurs, appartenant à l’endofaune – une vaste communauté d’organismes adaptés à la vie souterraine dans les sédiments marins –, jouent un rôle fondamental dans la circulation de l’oxygène et des nutriments à la surface des fonds marins. Leur activité, invisible à l’œil nu, soutient un écosystème complexe niché au cœur même du substrat. Des prairies sous-marines littorales aux estuaires, en passant par les vastes étendues vaseuses des grands fonds, toute la biodiversité associée aux fonds meubles dépend de ces créatures discrètes. Leur labeur silencieux, bien que méconnu, a des répercussions majeures à l’échelle de la planète.
Sur le terrain, il était impossible d’anticiper leurs apparitions. Certains vers semblaient rester inactifs, d’autres n’émergeaient que brièvement, parfois quelques minutes dans la journée, tandis que d’autres encore se montraient de manière aléatoire. La capture de cette image a nécessité deux mois d’efforts, avec vingt plongées de cinq heures chacune, à huit mètres de profondeur.
Réglages : objectif 15-30 mm f/2.8 – 1/160 sec à f/20 ISO 125
Gagnant catégorie merveilles polaires : Galice Hoarau
Plonger aux abords des icebergs est une expérience à la fois rare et envoûtante. Près de Tasiilaq, sur la côte est du Groenland, nous avons eu le privilège d’explorer les alentours d’un gigantesque iceberg échoué à faible distance du rivage. Cette configuration exceptionnelle offrait des conditions idéales pour une plongée en toute sécurité. Le contraste entre le bleu intense des eaux profondes et l’éclat immaculé de la glace formait un décor spectaculaire, presque irréel, propice à la photographie sous-marine.
À l’automne, les fjords de cette région boréale se révèlent particulièrement riches en vie, notamment planctonique. Des nuées de minuscules copépodes aux majestueuses méduses à crinière de lion (Cyanea capillata), dont les longs tentacules urticants flottent avec grâce dans les courants froids, les eaux sont un véritable théâtre vivant. Cette combinaison entre la froideur cristalline des profondeurs et l’abondance de la faune marine conférait à la plongée une dimension presque féérique, gravant à jamais ce moment dans nos mémoires.
Réglages : objectif 30 mm f/3.5 – 1/150 sec à f/16 ISO 400
Gagnant au coeur de la forêt : Iacopo Nerozzi
En pleine saison des amours, les mâles lucanes cerf-volant (Lucanus cervus) s’engagent dans de spectaculaires joutes territoriales. Bien que spectaculaires, ces combats restent inoffensifs, les adversaires s’affrontant principalement à l’aide de leurs impressionnantes mandibules. Les plus grands individus, souvent issus d’un développement larvaire prolongé ou dotés d’un patrimoine génétique favorable, bénéficient d’un net avantage face à leurs rivaux plus modestes.
Mais cette fascinante espèce saproxylophage est aujourd’hui menacée. La raréfaction du bois mort – conséquence d’une gestion forestière trop « propre » et de l’abattage systématique des arbres – met en péril l’ensemble de leur cycle de vie. Le lucane cerf-volant figure désormais sur les listes rouges des espèces menacées en Italie, comme dans de nombreux autres pays européens.
La scène capturée ici a été saisie dans une forêt de chênes près de Florence, lors d’un bref affrontement entre deux mâles perchés sur une branche. Observer ce moment singulier m’a demandé plus de dix jours d’attente patiente, à guetter ce pic d’activité fugace qui ne dure que quelques journées chaque année.
Matériel : objectif 15 mm f/2.8 – 1/15 sec à f/16 ISO 800
Gagnant catégorie humanité vs nature : Amy Jones
Appuyée contre le mur froid en béton de son enclos, une vieille tigresse d’Indochine (Panthera tigris corbetti) incarne à elle seule la brutalité d’un système d’exploitation longtemps toléré. Pendant plus de vingt ans, cette femelle a vécu recluse dans une ferme à tigres du nord de la Thaïlande, utilisée comme reproductrice au service de différentes industries : tourisme animalier, commerce illégal de peaux, de dents, d’os, de griffes ou encore de viande. Son corps usé et son regard éteint témoignaient de décennies de captivité.
Surnommée Salamas après son sauvetage, elle a été libérée en même temps que quatorze autres grands félins par l’ONG Wildlife Friends Foundation Thailand (WFFT). Malgré une extrême maigreur et une santé fragile, elle a survécu au long transfert de douze heures jusqu’au sanctuaire forestier de la fondation, un refuge de sept hectares où elle a pu, pour la première fois depuis deux décennies, marcher librement, sentir l’herbe sous ses pattes et goûter à la chaleur du soleil sur sa fourrure. Neuf mois plus tard, Salamas s’est éteinte.
Son histoire illustre le sort tragique de nombreux tigres captifs en Thaïlande, où environ 1 700 individus sont détenus dans de véritables fermes-usines. Cette industrie prospère sur la demande touristique et le commerce des produits dérivés. En parallèle, la population sauvage de tigres dans le pays est estimée à moins de 223 individus, un chiffre alarmant qui souligne l’urgence de protéger les derniers représentants libres de leur espèce.
Matériel : objectif 24-70 mm f/2.8 – 1/250 sec à f/3.2 ISO 1400
Gagnant catégorie acteurs de changements porteurs d’espoirs : Angel Fitor
Sur cette image, une jeune tortue caouanne (Caretta caretta) s’apprête à goûter sa toute première méduse, dans le cadre d’un programme de sauvegarde mené à Valence, en Espagne. Chaque été, sur des plages densément fréquentées par les touristes, des nids de tortues sont découverts. Pour maximiser les chances de survie des nouveau-nés, des biologistes et vétérinaires de la Fundación Oceanogràfic recueillent une partie des œufs et élèvent les petites tortues pendant un an dans un environnement contrôlé.
Durant cette phase cruciale, les jeunes reptiles reçoivent une alimentation équilibrée, complétée par des méduses d’élevage, afin de les préparer à une réintroduction progressive dans leur habitat naturel. L’objectif : leur offrir un départ dans la vie plus robuste que celui qui les attendrait dans l’océan, livré aux prédateurs et aux dérèglements de l’écosystème.
Mais une fois relâchées, ces tortues devront faire face à un piège majeur : la prolifération des déchets plastiques. À leurs yeux, un sac flottant ressemble à s’y méprendre à une méduse. Et aucun programme de soins, aussi bien intentionné soit-il, ne peut leur apprendre à faire cette distinction vitale. Ces initiatives, aussi précieuses soient-elles, restent confrontées à une réalité inquiétante : celle d’un océan de plus en plus hostile aux jeunes vies qu’il est censé accueillir.
Matériel : objectif 10-17 mm f/3.5-4.5 – 1/8 sec à f/20 ISO 400
Voici donc les principaux lauréats de cette édition 2025 des Environmental Photography Awards, reflet poignant de la beauté fragile de notre planète et des menaces qui la guettent. L’ensemble des finalistes peut être découvert sur le site officiel du concours, où figurent les 36 photographies sélectionnées. Ces images feront également l’objet d’une exposition en plein air sur la promenade du Larvotto, à Monaco, du 3 juin au 31 juillet 2025, avant de partir en tournée internationale. Un livre regroupant ces œuvres sera aussi publié en juin 2025.
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